Mon histoire... Par où commencer? L'enfance me semble être un bon départ.
J'ai grandi dans une petite banlieue pavillonnaire en Iowa, Coralville.

Petite (le premier qui me dit que je le suis encore physiquement, je le mords), j'étais la fille bizarre. Toujours plongée dans un livre où ne traînant qu'avec un groupe très restreint d'amis, je semblais être dans un autre monde en permanence, ne prêtant que peu d'attention aux cours, mais ayant toujours des bonnes notes.

Il faut dire que j'avais de quoi vouloir m'échapper de la réalité. La maison était un enfer.
J'étais en permanence sous la poigne adamantine de mes parents. Ils ne comprenaient pas qu'une petite fille puisse rêver, vouloir autre chose qu'un futur pré-construit.
Alors, ils sévissaient. J'étais activement enfermée dans ma chambre, devant soit faire mes devoirs, soit attendre que le temps passe.
Dès que je suis devenue un peu plus forte physiquement, j'ai aussi vu les tâches ménagères m'incomber. J'endurais toutes ces injustices avec patience, refoulant mes émotions et me concentrant sur les heures de liberté que me procurerait l'école.

Puis était venu le collège. On oublie souvent le fossé entre l'école et ce septième cercle de l'enfer.
Oh non, pas au niveau scolaire, mais au niveau mental. Ma première année s'était passée sans encombre; j'avais réussi à passer incognito tout en gardant un très bon niveau.

Seulement, dans les tous derniers jours de classe, tout avait basculé.
Un groupe de mâles en rut ayant manifestement découvert (ou redécouvert) les joies de l'alcool m'avait coincée et traînée dans les toilettes des hommes. Là, un des pathétiques ivrognes a décidé de me mettre un coup de poing pour que "je me calme". Alors que la douleur avait fusée, j'ai senti comme un voile blanc passer devant mes yeux et la rage monter en moi.
D'une roulade, je me suis relevée et ai décroché un coup de poing à cet imbécile qui est tombée K.O en un seul coup. Le deux autres restant ont décidé de charger après quelques secondes à rester bouche bée. Tournant rapidement sur moi-même, j'ai accompagné l'outre à bière qui a fini par faire bélier dans le mur des toilettes.
Il n'en restait plus qu'un qui est revenu à la charge. D'un coup de pied bien placé, je l'ai fait se plier en deux et j'ai attrapé ses cheveux pour mieux lui éclater le crâne contre un lavabo.

Un silence avait alors régné sur la scène.

A ce moment précis, je savais que ma vie venait de basculer et que rien ne pouvait être de même à présent.

A partir de cet instant, tout avait changé à la maison.
Premièrement - et injustement, j'avais été virée de mon collège. Il semblerait qu'ils étaient fils de quelconques importants personnages. J'étais une fille de classe moyenne avec quasiment aucune trace sur le corps. Vite réglé.

En bref, ce qui était déjà un enfer à la maison était devenu quelque chose d'encore pire.
J'étais maintenant en quasi-permanence enfermée dans ma chambre, sans rien pour me distraire ou même simplement m'occuper. Impossible de voir les amis que je n'avais pas, je commençais sérieusement à devenir renfermée sur moi-même.
Profitant d'une soirée où mes parents étaient invités à une quelconque fête du voisinage, j'étais sortie par la fenêtre. Ma première escapade - et c'était loin d'être la dernière.

Me promenant dans le quartier (en prenant soin d'esquiver la partie du voisinage où se tenait la "fête"), j'errais dans ces rues vides, appréciant la fraîcheur de la nuit et l'herbe que je foulais de mes pieds nus. C'était donc ça la liberté?

Des bruits avaient rapidement interrompu mes réflexions; d'un geste souple et rapide je m'étais jetée derrière une haie bien taillée, priant pour que les personnes passant devant ne soient pas trop regardantes. Là-dessus, la horde qui m'avait agressé quelques années plus tôt avait surgi à nouveau. Ils étaient bruyants et manifestement bien plus alcoolisés que la dernière fois à en juger par leurs éclats de rire tout sauf naturels et leurs démarches incertaines.

"Putain, mon connard de père m'a encore offert une merde, voilà c'que j'en fais haha!", s'était exclamé le plus vieux d'entre eux, jetant négligemment un objet dans les buissons.
Et sur ce, alors que je retenais ma respiration depuis maintenant une vingtaine de secondes, ils étaient partis en faisant encore plus de bruit.

Avec un mauvais pressentiment, j'étais rentrée chez moi rapidement, ramassant l'objet sans même le regarder. Il s'était avéré que mon pressentiment était infondé, mes parents ne rentrant que quelques heures plus tard.
Mais dans ma main se trouvait quelque chose qui allait changer ma vie, pour le mieux.

Un iPod.

Avec lui, je n'avais plus l'impression d'être seule. J'avais téléchargé un sacré lot de musique en douce et passais le plus clair de mon temps enfermé à écouter celles-ci, ayant l'impression de m'évader de cette maison infernale, légère comme l'air.

Rapidement, je ne me suis plus laissée faire. J'ai dit clairement à mes parents de ne plus me compter comme leur enfant et... ils m'ont prise au mot.
J'étais devenu une chose. On me laissait à manger devant ma porte et on me faisait suivre des cours à domicile, sans plus se soucier de mes résultats. A leurs yeux, j'étais simplement un parasite, rien de plus. Un de ceux dont ils ne pouvaient pas se débarrasser tout de suite.

Mais je n'en avais cure. Dès que le temps s'y prêtait, j'allais flâner dehors, dans les haillons qui me servaient de vêtements, appréciant chaque brise et chaque rayon de soleil sur ma peau.
Tout plutôt que continuer à vivre dans une cage.
Néanmoins, je continuais à suivre assidûment mes études. Je savais très bien que dès que l'occasion se présenterait, on se débarrasserait de moi avec un grand sourire.

Alors, j'ai fait de mes mots une arme et j'ai prit la plume pour être rédactrice.

Evidemment, rien n'est facile. Surtout quand on est pressée par le temps.
J'ai juste eu le temps de trouver un boulot de pigiste dans un journal minable avant de me faire virer.
Au début, ça a été très dur. Je dormais sur des bancs et essayais de me présenter de façon correcte au boulot. Oh, j'ai bien fini par trouver un appart miteux, même un téléphone.
J'ai trimé pendant dix longues années, finissant mes études et changeant constamment de job.

Puis, je me suis habitué à ce rythme impitoyable. Après tout, j'étais libre, alors peu m'importait de souffrir. Je n'avais personne, simplement des zombis de collègues et un chien errant qui semblait m'apprécier.

Seulement, tout s'est très vite compliqué à la fin de la dixième année.
J'ai perdu mon job, le journal ayant fait faillite. Pas mal hein? Non, on peut faire pire.
Un ivrogne qui faisait partie de mon immeuble a fait mumuse avec le gaz et j'ai fini avec un cratère à la place d'un logement.
J'ai renoué d'amitié avec les bancs et mon fidèle iPod.

Par chance, j'avais gardé mes deux chargeurs sur moi. Et c'est en rechargeant discrètement mon téléphone dans une librairie que ma vie a basculé à nouveau.

J'ai reçu un coup de fil. Une voix masculine qui m'informait que son journal local cherchait un rédacteur à plein temps et qu'ils avaient été impressionnés par mes articles récents.
Sans hésiter, j'avais répondu oui. Le nom du bled m'était absolument inconnu, j'ai donc du demander mon chemin à mon futur patron.

Oui, je sais ce que vous pensez : Pourquoi accepter l'offre d'un sombre inconnu pour prendre un job à l'autre bout du pays? Tout simplement parce que les bancs, ça devient rapidement inconfortable.

Alors, j'ai pris le bus jusqu'à un sombre patelin et j'ai marché jusqu'à Moonlight-Falls.

Une fois arrivée là-bas, on m'a informé de deux choses :

Le patron était une patronne.
Il n'y avait jamais eu de postes libres.

Quelque chose clochait. Pourquoi m'avoir fait une blague si sophistiquée?
Cependant, j'avais pu compter sur la gentillesse des habitants et des employés du journal. Il m'avait fait cadeau d'un appartement récemment rendu vacant suite à un décès et d'une place dans le journal, moyennant un salaire diminué. J'avais accepté là aussi sans hésiter.

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Ça fait maintenant un mois que je suis installée. Et aujourd'hui est une belle journée pour se rendre au travail.
Distraite, je flâne en passant devant les créations de la fleuriste du coin, un sourire aux lèvres.

Et soudain, le noir.

Trois jours d'enfer à l'hôpital.

Je me réveille en pleine nuit. Je me sens mal et curieusement changée.
Mais l'atmosphère de l'hôpital m'agresse et m'oppresse, me faisant partir en douce pour rentrer chez moi.

Je sais pas ce qui s'est passé, mais autant voir le bon côté des choses : je ne suis pas morte.