Quel soleil! Je ne suis pas sorti de l'hôpital depuis longtemps que je suis déjà en train de gambader en plein air. Mais attention, pas comme toute personne normalement constituée, non.
Je me balade en fumant une mentholée, tout en lisant un comic fraîchement acheté.
Faut croire que même dans une ville coupée de tout la culture populaire américaine sait tout de même se tailler une place. Et je ne vais pas me plaindre, c'est bien la seule occupation que j'ai.
On ne m'a pas encore trouvé de job, étant donné qu'on ne sait pas à quoi je suis formée et que je n'en ai strictement aucune idée.

Je jette un coup d'oeil autour de moi pour m'assurer que je ne suis pas en train de foncer dans la barrière ou un lampadaire. Non manifestement, je suis quelque part dans l'anse du fer à cheval à en juger par "le Champignon Vénéneux" que je vois là-bas et le fait qu'aucun des passants ne semble me trouver ne serait-ce qu'un tant soit peu étrange.
Le concept d'être une sorcière me perturbe encore totalement. Sérieusement, il me semble avoir toujours cru que tout ça était pour les enfants - enfin, ça j'en sais rien. Mais je préfère extrapoler sur mon passé plutôt que de passer des heures à tenter de sonder l'insondable.
Et puis, il faut avouer que ces pouvoirs sont tout sauf une malédiction au final. Quoi de plus cool que de pouvoir s'en allumer une sans jamais passer des heures à chercher un briquet qui a décidé de subitement migrer au Pérou? Et mettre des glaçons dans son Coca.
Hum. C'est pas exactement les pensées matures qu'on doit attendre de moi, hein? Secouant ma tête, je me rallume une clope d'un claquement de doigts.
Je poursuis alors ma route, le nez collé sur le bras de fer que mènent le Captain et Bucky.

Un bruit de fenêtre qui s'ouvre m'arrache à ma lecture et je tourne la tête pour apercevoir un manoir d'une taille imposante juste à ma gauche. Le bruit vient du deuxième étage, ou un homme m'observe avec un sourire aux lèvres.
Légèrement flattée par son intérêt, je lui fais un signe de la main, tout en continuant ma route et en lâchant un :

"Salut."

J'ai passé l'âge pour rougir, non?

Alors que je continue paisiblement ma route, un bruit impressionnant de quelque chose qui s'effondre. Avant même de pouvoir me retourner, un bruit sourd retentit. Il me faut peu de temps pour comprendre que le bel Apollon bien de tomber de son piédestal.

En quelques secondes, je balance ma clope sur l'asphalte et me précipite à ses côtés, lâchant mon comic sur la boite aux lettres. Instinctivement je comprends à sa façon d'être crispé autour de son bras sans pour autant le toucher qu'il est tombé dessus et que celui-ci est plus ou moins en mauvais état. Pas le choix, je vais devoir m'en occuper.

"Laisse-moi faire et allonge toi."

Un peu impératif, mais il semble plus ou moins en état de choc, ce qui me force à lui donner des ordres sec pour qu'il bouge. Je tâte très délicatement son bras sans pour autant enlever sa chemise, mais un cri de douleur de sa part et une sensation familière au toucher me confirme le pire.

Il y a un os. Littéralement.

Une fracture ouverte, génial. Le problème, c'est que j'ai bien l'impression que l'inconnu est assez sensible.

"Okay, maintenant ferme les yeux et surtout, répond à mes questions. Tu les ouvres sous aucun autre prétexte, d'accord?"

Une faible réponse de sa part et un rabaissement de ses yeux plus tard, je déchire précautionneusement toute la manche de sa chemise. Oh merde, c'est moche. L'os dépasse nettement de la chair de son bras et l'hémorragie est importante. J'ai pas de glace sous la main et je vais devoir examiner les autres parties de son corps qui ont rencontré le sol.
C'est vraiment ma veine que l'hôpital soit fermé bon sang.
Si ces crétins de loups et de vampires arrêtaient de s'en mettre plein la tronche aussi...

"Okay. Est-ce que tu connais quelqu'un qui sait guérir par magie?"

Et je ne sais même pas si c'est possible, mais là j'ai pas trop le choix.
En attendant sa réponse, je lui fait un garrot avec ma chaînette et commence à tâtonner l'ensemble de son corps pour vérifier qu'il est intact.
C'est pas le cas.
Si à mon grand soulagement ces cervicales semblent intactes, il a au moins une côte de brisée.

Et soudain, il commence à balbutier quelque chose sur une blonde. Une fée.
Là par contre, j'ai de la veine, la rue du bois est vraiment proche!

"... Elle habite sérieusement dans le quartier des loups?"

Rappelez moi ce que j'ai fait au bon Dieu déjà? Je vais réellement devoir trimbaler un inconnu tout cassé et qui saigne abondamment dans un quartier où il pourrait se faire croquer aisément rien qu'en temps normal? Soit.

Par contre, je peux pas le déplacer comme ça. Je risque d'aggraver la fracture de son bras, même si je suis suffisamment délicate pour ne pas abîmer ses côtes outre mesure. Oh mon pauvre.

"... Ça va faire très mal."

D'un geste sec mais expert, je remets en place l'os et effectue une attelle avant même qu'il ait fini de hurler de douleur. Je ne sais pas d'où me viens toute cette science, mais je vais pas m'en plaindre. Rapidement, je le soulève sans trop de difficulté et court en direction de l'allée.

Et dire que la journée s'annonçait tranquille...

Je le sens s'évanouir très rapidement dans mes bras. Bordel.
Je me mets à courir à une cadence forcenée en priant pour que l'hémorragie interne ne soit pas trop grave. Je me fraie un chemin parmi la foule avec la délicatesse d'un bulldozer et arrive rapidement sur l'allée des loups. Evidemment, je ne sais pas où se trouve la maison, ce serait trop beau. Mais soudain un écriteau attire mon œil. Je suis sûr d'avoir vu le nom "Aerie".
C'est en effet une pancarte sur une pharmacie qui est signé de son nom, mais aucune trace d'elle. Cependant, des gens arrivent spontanément dans ma direction, connaissant bien la femme qui travaille ici et ayant l'habitude de voir des blessés dans sa modeste échoppe. C'est une bonne chose, ça veut dire qu'elle sait ce qu'elle fait. Enfin, j'espère.

Je me hâte dans la direction montrée par les habitants et essaie de me remémorer la description de la maison en chemin. Immédiatement, je la reconnais.
Je sprint maintenant, la respiration presque sifflante avant de m'arrêter dans une glissade pour tambouriner à la porte. Et Dieu merci, elle ne se fait pas attendre.
Une blondinette en peignoir vient m'ouvrir et me demande sans aucune gêne par rapport à sa tenue ce qui arrive à mon triste sire reluqueur.

"Chute du deuxième étage avec une fracture ouverte du bras et une côte cassée, je suspecte fortement une hémorragie interne."

Même venant de ma bouche, ça m'étonne. Ça fait bien plus pro que la phrase que je pensais sortir, sans compter que je n'ai même pas fait tiquer quelqu'un qui a manifestement une formation médicale. Elle l'examine néanmoins rapidement et lui prend son pouls. Bon réflexe, je n'ai pas eu le temps. Sans plus attendre, elle me fait signe de la suivre et de l'allonger sur la table du salon.
Je ne me fais pas prier et le pose délicatement, reculant comme elle me signale. Elle passe sa main sur le bras de l'homme qu'elle appelle Andréas et avec avec un crissement étrange, ses deux os se ressoudent et la peau déchirée se remet en place. Quant à ses côtes, elle fronce les sourcils dans un intense effort de concentration avant de les soigner lentement, résorbant l’ecchymose avant de tout réparer. Le tout fini, elle m'adresse un léger sourire pour me faire comprendre que tout va bien.

Elle se dirige alors lentement vers ce qui doit être sa chambre, avec visiblement la tête qui tourne à en juger par sa façon de se tenir la tête et son équilibre plutôt précaire. Pour ma part, je suis bouche bée. La fée vient de résoudre en cinq minutes ce qui aurait dû se faire en plusieurs mois et le tout avec une perte mineure d'énergie. Je m'efforce de fermer la bouche alors qu'Aerie revient dans la pièce pour mettre un coussin sous la tête d'Andréas. Chose faite, elle se retourne vers moi et me propose le thé.

"Ce serait avec... plaisir."

Wow, ça sonne bizarre mais la proposition l'est tout autant. A croire qu'elle vit ça tout les jours!
Elle fait rapidement chauffer de l'eau et me donne ma tasse dans le fauteuil où je suis, tout en m'offrant un panorama complet de sa poitrine. S'en rendant immédiatement compte, elle rougit comme une pivoine et je m'empêche d'éclater de rire alors qu'elle part en grommelant quelque chose comme "Tout le village va finir par voir mes seins comme ça...".
Se changeant rapidement, elle revient avec une robe très légère et largement ouverte dans le dos pour laisser passer ses ailes sublimes.

Faisant comme si rien ne s'était passé cinq secondes plus tôt (bien que le rouge colore toujours ses joues), elle se présente et s'enquiert ensuite de mon identité. Après quelques minutes, nous commençons à partir dans une discussion ponctuée de rires alors qu'elle me raconte la façon dont elle a connu Andréas, suivi par ma révélation sur les circonstances de l'accident.
Spontanément, un chien que je n'avais pas aperçu jusque là se lève d'un coup, la queue en hélicoptère. Le tout est suivi par une porte principale qui s'ouvre.
Et le Shérif entre.

J'en manque de recracher mon café. Ces deux-là, en couple? Wow. Il semble d'abord radieux de voir sa bien aimée mais son visage s'assombrit à mesure qu'il tourne sa tête vers la gauche. Voyant sa tête, je commence lentement à essayer de me faire toute petite dans mon fauteuil.
La fée quant à elle se jette au cou et l'embrasse, avant de lui expliquer la situation. Quelque grommellement de sa part plus tard, il prétexte avoir oublié quelque chose dans son bureau pour vite s'enfuir de la maison. Alors même que la porte claque, Andréas s'éveille.