Je suis né à New york, plus précisément à Manhattan. Manhattan est la partie la plus riche de la ville de New York, ce qui en fait l'arrondissement le plus touristique de Big Apple, mondialement célèbre pour ses gratte-ciel et son activité trépidante. Mes parents - Loraine et Victor - exercent tous les deux la médecine au Metropolitan Hospital Center (MHC) dans l'East Harlem, à New York. J'ai deux frères plus âgés que moi - Ulysse et Noah - Ulysse étant plus âgé de trois ans, et Noah de cinq. Je suis donc le cadet du trio. En ce qui concerne mon enfance, je ne peux pas me plaindre. J'ai vécu au sein d'un famille très unie, éduqué convenablement et l'on m'a inculqué de bonnes valeurs morales. Bien que fortunés, mes parents étaient de nobles gens - je présume qu'ils le sont encore - qui s'investissaient dans diverses associations caritatives afin d'aider les plus démunis et évidemment, afin d'aider la progression de la médecine. En résumé, l'argent n'a jamais prédominé sur les valeurs dans cette famille. Autant dire que l'argent servait à nourrir l'espoir de ceux qui en avait le plus de besoin. Maintenant, pour vous présenter un topo plus rapide de mon début de vie, voici ce qu'il en est : Je suis né. J'ai apprit à marcher, à parler, à courir. Mes dents ont poussées. J'ai joué. J'ai eu mal. J'ai aimé ma mère. J'ai aimé mon père. J'ai admiré mes frères. J'ai sourit. J'ai observé. J'ai rêvé. J'ai écrit. J'ai pleuré. J'ai sentit. J'ai convoité. J'ai aimé encore. Mes yeux ont scintillé lorsque mon père me racontait ses histoires. J'ai donné l'amour. J'ai reçu l'amour. Je me suis écorché les genoux bon nombre de fois. J'ai aussi hérité de quelques claques à la petite école - sans doute bien méritées, j'étais un gamin plutôt turbulent et taquin à ce moment et certains n'ont pas le même sens de l'humour que moi -. J'ai appris que j'étais sorcier à l'aube de mes quinze ans. Étrangement, ce constat ne m'a en rien étonné. Je me suis toujours sentit différent, sans m'expliquer pour quelle raison. Ce fait ne faisait que de confirmer mes ressentis, si l'on peut dire ? Je me suis rapidement intéressé à la confection de potions-remèdes puisque mon intérêt en la médecine allait en progressant au fil des années. Par ailleurs, j'ai amorcé des études en ce domaine, que je poursuis aujourd'hui, à Moonlight Falls.

Comme vous pouvez le constater, il n'y a rien d'exceptionnel à ce récit, si ce n'est que le furtif passage où je mentionne être sorcier. Ma vie avant l'âge de mes 20 ans était plutôt banale, à l'exception de ce point. On m'a apprit à me servir de mes pouvoirs uniquement lorsqu'il était nécessaire et pour faire le bien autour de moi. Alors je n'ai pas contourner cette règle, je suis resté sage, sans faire d'abus inutiles. J'ai usé de mes pouvoirs très rarement, autrement dit. Autant dire que j'ai été humain le trois-quart de ma jeunesse. Je me suis plutôt acharné à tenter de créer des potions curatives, inoffensives, que je testais sur moi-même la plupart du temps...

Quelques mois après mon 20ème anniversaire, je me suis établit à la Nouvelle-Orléans une année entière dans le cadre d'un échange étudiant. J'y faisais une sorte de stage en soins infirmiers là-bas, du moins c'était plutôt de l'observation au sein d'une clinique. Ce stage allait me permettre d'avoir de bons résultats scolaires, donc j'y ai vu une opportunité en or. J'ai emménagé dans un petit appartement, en Louisiane, avec mon bon ami Allan - un humain avec qui je me suis rapidement lié d'amitié, appréciant sa personnalité un peu bohème et sa franchise parfois trop directe, mais nécessaire -. Allan n'avait aucun intérêt pour la médecine, mais avait insisté pour m'accompagner. Selon ses dires, jamais il n'avait visité la Nouvelle-Orléans et il prétextait en avoir marre de New York. Personnellement, je crois qu'il avait tout simplement la crainte de se retrouver à fureter dans les bars seul pendant un an. Mais je n'ai jamais osé le contredire...

Les deux premiers mois se sont bien déroulés, jusqu'à ce que je tombe sous le charme de Kalendra. Des traits fins sur un visage d'une peau de café au lait. Des lèvres accortes et pulpeuses... des yeux captivants d'une nuance cendrée, d'un gris cristallin assez rarissime à contempler... une longue chevelure ténébreuse soigneusement nattée, dont l'extrémité allait caresser la chute des reins. Une silhouette gracieuse, exquisément efféminée, revêtant une robe peu coutumière, d'un écarlate piquant. Ses poignets ornaient une multitude de bracelets et ses doigts d'innombrables joncs pourvus de joyaux. Des boucles-d'oreilles d'ivoire de forme ovale dont le milieu était constellé de petits rubis... Il était impossible de nier qu'elle était pourvue d'une beauté saisissante. Mais une femme trop séduisante apporte avec elle un paquet d'ennuis...

Peu de temps après l'avoir rencontré, je me suis mit à agir en pauvre fou. Au début, complètement amoureux, ensuite profondément obnubilé au point de rêver d'elle toutes les nuits, de buriner son nom partout dans mes cahiers de notes, sans même en avoir conscience. Je ne parlais que d'elle, ne pensais qu'à elle, ne vivait que pour elle... au point d'en inquiéter Allan. Plus le temps filait, et plus mon état s’aggravait. Mes nuits étaient troublées par l'insomnie et une étrange fièvre se mit à apparaître à chaque fois où j'étirais de quelques jours mes rencontres avec elle...

« Mais ouvre tes yeux, Zeek ! Cette femme t'a littéralement envoûté, bordel ! C'est moi l'humain ici et j'arrive à le comprendre plus rapidement que toi ! Tu as vu dans quel état tu es, vieux ? Tu ressembles à un putain de zombie ! Elle te manipule comme un pantin ! »
- Arrête... c'est faux... je vais bien... je... tu crois que je devrais lui téléphoner ? J'ai vraiment besoin de la voir... J'en ai besoin, tu comprends ? Je vais mourir si je ne la vois pas...

Évidemment, il a comprit... que la situation était plus grave qu'elle n'en paraissait déjà. Quelques jours plus tard, mes parents débarquaient en Louisiane, accompagnés par Béatrice, ma cousine. Allan avait prit soin de les prévenir et de souligner l'urgence de la situation. Ceux-ci ne se sont pas fait prier pour se faire un chemin jusqu'à mon appartement, rituels en main, prêts à briser l'envoûtement qui éradiquait en moi toute logique cohérente. Par ailleurs, ils ont dû me ligoter à une chaise pour y parvenir. Le portrait était affreux, je vous assure. J'en étais à un point où plus rien n'avait d'importance à l'exception de Kalendra. J'avais cette impression malsaine que ma vie allait se terminer si je ne la voyais pas dans la seconde. Elle était un nocif poison et ce nocif poison, j'avais l’irrépressible envie de l'ingurgiter pour ensuite mourir, les organes internes brûlés à vif, dévoré jusqu'à la moelle. Lamentable, vous direz. J'approuve, sans hésitation ! Heureusement, le tout s'est bien terminé. Après une bonne nuit d'acharnement, le sortilège a été brisé. Suite à quoi, études ou pas, moi et Allan avons fait nos valises rapidement et sommes retourné à New York. Il était hors de question que je reste là-bas alors que je la savais à proximité. Autant j'avais pu être complètement fou d'elle à un moment, qu'ensuite j'ai pu éprouver un grand méprit pour cette femme. Par la suite, je ne l'ai plus jamais revu. Je ne vais pas vous mentir : je m'en porte à merveille, merci bien !

Quatre années se sont ensuite étiolées. J'ai pu assister aux fiançailles d'Ulysse, dont le cœur s'était éprit pour une jolie asiatique du nom de Hai Ly. Après leur mariage, ils ont migré vers le Japon pour s'y établir. Nous avons eu droit à une multitude de cartes postales et à quelques sacs de riz gratuit. Ceci étant dit, plusieurs sacs de riz plus tard, Ulysse nous apprenait qu'il s'était ouvert son propre cabinet de médecine à Tokyo. Quant à Noah, mes derniers souvenirs remontent au moment où il projetait l'idée d'ouvrir un cabaret. J'ignore si aujourd'hui ce projet est toujours en vigueur. Pour ma part, j'ai fais collocation avec Allan deux années de temps tout en poursuivant mes études. Tout allait pour le mieux, je dois dire. J'avais plus ou moins oublié Kelendra et la rancune qui me tenaillait depuis. Rien ne servait à rester buter sur cet épisode, de toute évidence, ça ne servait à rien. Elle était désormais le passé, rien de plus. L'année de mes 23 ans, j'ai rencontré une jeune femme exceptionnelle prénommée Mirella. Nous sommes devenus très bons amis et amants. J'ai eu beaucoup de mal à m'en remettre lorsque l'on m'a apprit son décès. Elle est morte d'un anévrisme, lors de son sommeil. Dingue, non ? Elle n'avait que 22 ans et des ambitions plus qu'honorables... Le deuil fut très long et pénible. Mes études en ont prit un coup et ma vie sociale aussi. Visiblement, j'avais besoin de me changer les idées et Allan me fit une suggestion...

« Écoute, vieux... pourquoi ne prends-tu pas une année sabbatique ? Visiblement, tu n'as pas la forme pour poursuivre tes études pour le moment. Tes notes chutent drastiquement. Je crois que tu as besoin d'une pause.... et surtout de partir d'ici. Tout te fait penser à Mirella à New York... tu disais que tu souhaitais voyager éventuellement. Pourquoi ne pas le faire ? Je crois que ce serait le moment idéal... fait tes bagages, prend ta bagnole et fout-le-camp. Pense à toi. »

Il avait bien raison. Je n'arrivais plus à supporter New York et j'avais besoin de partir, peu importe où, seulement partir... J'ai donc écouté ses conseilles. Moi et ma voiture avons déguerpit, avec peu de bagages à bord. Je n'ai pris aucune direction précise. J'ai seulement sillonné les routes d'Amérique, m'arrêtant seulement pour me sustenter et pour dormir. J'ai visité quelques sites historiques. Je suis resté une semaine au Texas, à Bastrop County. Ensuite, j'ai rebroussé le chemin, plus au Nord. Et j'ai tout simplement cessé de consulter la carte routière, me laissant porter par les routes, sans avoir de destination précise. Mon voyage prit fin une nuit, lorsque le moteur de ma voiture s'est mit à suffoquer, poussant le véhicule à rendre l'âme, en plein centre d'une route désertique bordée d'une dense forêt. J'ai délaissé la carcasse de ferraille et j'ai amorcé une longue marche. J'ignorais pour quelle raison à ce moment, mais plutôt que d'avancer sur la route, j'ai plutôt opté pour me plonger dans l'obscurité de la forêt, seulement pourvu d'une lampe de poche et de mon sac de voyage. À ce moment, je n'y comprenais rien. J'avais cette immensurable envie de traverser cette forêt sans m'expliquer pour quelle raison. C'était idiot. Pourquoi s'éloigner de la route et risquer de se perdre pour... aucune raison logique ? La suite ? Je crois que vous l'aurez deviné. Mes pas m'ont directement mené jusqu'à Moonlight Falls. J'ai tenté une ou deux fois de revenir sur mes pas, mais je me suis buté à une résistance invisible phénoménale. J'ai donc cessé à l'instant où j'ai eu l'impression que ma peau me brûlait et que mes os étaient sur le point de rompre. Il n'y avait plus moyen de sortir d'ici au risque d'en souffrir le martyr, sans doute en mourir.

Sans autre choix, je me suis résigné à m'établir là-bas. Est-ce que j'éprouve du regret ? Non. Plus maintenant. J'y suis depuis plusieurs mois maintenant et j'ai rencontré des gens uniques. Je me sens ici davantage chez moi qu'à New York. Risible, en effet. Et puis, pour être tout à fait honnête avec vous, je n'éprouve plus l'envie de partir depuis le moment où j'ai croisé le chemin de Serena. Si vous saviez... je n'ai jamais éprouvé de sentiments aussi intenses pour personne, pas même Mirella, pour qui mon cœur s'est transformé en charpie. Sans même s'acharner, cette femme parvient à rendre ma vie meilleure. Et ça, c'est un pouvoir exceptionnel...