Adriel n'était pas le genre de garçon - car il n'était pas encore tout à fait un homme aux yeux des siens - à ressentir de la mélancolie ou de la tristesse après une rupture. Il en avait connu plusieurs, et s'en était toujours remis, comme lorsque l'on change de paire de chaussures. On regrette les anciennes, mais on adore définitivement les nouvelles. Et oui, la comparaison n'est pas des plus flatteuses, j'en ai conscience. Pourtant, Adriel ne considérait pas les femmes comme des objets. Il avait énormément de respect pour elles, et les traitait en conséquence. Mais il était dans sa nature de flirter et draguer toutes les demoiselles croisant sa route. Cela ne durait jamais bien longtemps, et les deux jeunes gens restaient toujours en bon contact suite à cela. Adriel était encore jeune - du moins, pour un triton - et comptait bien profiter de sa jeunesse en s'amusant le plus possible. Il n'avait pas beaucoup d'expériences, mais assez pour son âge et ne pas se sentir complètement déstabilisé devant une jolie demoiselle.

Néanmoins, il y avait bien une rupture qui l'avait brisé et détruit plus qu'il n'aurait cru possible, et il en était à l'origine. Amara et lui avaient été aussi proches qu'il était possible de l'être dans un couple, et Adriel lui donnait même souvent des cours de plongée, afin qu'elle puisse découvrir son monde autant qu'il découvrait le sien en arpentant la ville tous les jours à l'aide de jambes. Le triton devait bien avouer que dans les premiers temps, il n'avait fréquenté la jeune Amara que pour sa condition aisée et riche, de par sa nature vaniteuse. Toutefois avec le temps il avait appris à vraiment la connaître et s'était attaché à elle. Comme un ami dans un premier temps, puis comme un petit-ami. Oui, il devait reconnaître aujourd'hui qu'il avait des sentiments pour la jeune humaine, et que cette rupture avait été comme lui piétiner le coeur après l'avoir déchiré en de milliers de morceaux. Ca faisait mal, mais Adriel n'avait pas vraiment eu le choix.

Amara avait changé, et cela lui faisait peur. Le démon qui la possédait était cruel et sans gène, et avait profité de lui à plusieurs reprises, avant qu'il ne décide de tout arrêter. Elle l'avait elle-même, Adriel n'était pas assez bien pour elle, et n'était bon qu'à la satisfaire. Adriel était perdu et triste, mais également en colère. Il n'avait jamais ressenti autant d'émotions contradictoires et puissantes en même temps, et cela le déstabilisait beaucoup trop à son goût. Bien sûr, il avait tenté de se distraire en compagnie de sirènes, mais ses tentatives étaient restées vaines.

C'était sans doute la raison pour laquelle il se trouvait près de l'Anse du fer à cheval, quartier réservé aux sorciers, là où résidait Amara, et qu'il fuyait depuis la rupture. Ou bien, peut-être était-ce parce que ce quartier était si proche du sien, relié par la mer, là où tous les deux avaient l'habitude de venir se baigner ou se reposer après les cours ? Adriel avait toujours cru connaître son amie - ou était-ce ancienne amie et et ennemie désormais, il ne savait plus vraiment - mais devait reconnaître qu'il s'était trompé. Et pourtant, il tenait toujours à elle. Il doutait que cela soit également le cas de son côté, et cela le bouffait de l'intérieur tous les jours un peu plus.

Dans tous les cas, il aurait du savoir qu'en mettant les pieds dans ce quartier-ci, les chances de retrouvailles entre Amara et lui étaient beaucoup trop élevées pour que l'on puisse passer à côté.

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Dire qu'Adriel était définitivement perdu aurait été un euphémisme. En plein quartier de l'Anse du fer à Cheval et entouré de tous les côtés de sorciers le dévisageant de haut en bas, il se sentait relativement stupide. Il n'avait pas vraiment idée de ce qu'il faisait là, s'étant seulement aventuré par là par erreur. La mer était grande, et il avait fini par atterrir à la plage de la poussée, guidé par un instinct des plus masochiste. Il se prit la tête dans la main avant de soupirer un grand coup: il ne devait pas faillir maintenant. Il n'était pas sans savoir que sa présence ici n'était pas du à une erreur, mais bien à une envie de sa part. Il avait envie de comprendre, besoin de comprendre. C'était crucial. Personne ne changeait ainsi du jour au lendemain, et pas même une succube n'avait le droit de jouer avec lui comme avec une misérable marionnette de bois.

Alors qu'il s'apprêtait à partir à la recherche d'Amara, deux mains vinrent se coller sur ses yeux, ce qui le prit par surprise. Ce n'est qu'à l'entente de sa voix qu'Adriel se figea. « Hey ! Surprise, devines qui c’est » A croire que le proverbe disant qu'en parlant du loup, celui-ci finissait toujours par pointer le bout de son nez, disait vrai. Sauf qu'en l'occurrence, le loup était son ancienne petite-amie, désormais possédée par un démon aux idéologies et pensées des plus chaotiques. Amara dut sentir le malaise et le trouble du jeune triton, car elle retira ses mains, quelque peu tremblantes et hésitantes. Adriel se tourna alors après une demi-seconde d'hésitation et se retrouva face à face avec l'objet de tous ses troubles. Amara le regardait, un léger sourire crispé sur le visage. Ruth n'était pas en contrôle, ce qui aurait du rassurer le jeune homme en d'autres circonstances. « Amara. Sa-lut. »

Ce n'était pas vraiment un début de conversation des plus éloquent, mais essayer d'être éloquent quand on était pas certain que la personne en face de vous était celle qu'elle paraissait avait le don de déstabiliser plus d'une personne. Adriel avait perdu son tempérament et sa personnalité de comique à l'instant même où il s'était aventuré dans le quartier sorcier. La présence d'Amara n'avait fait que renforcer ce malaise et ce sentiment d'insécurité, qui avait fait perdre au triton toute trace de sourire ou d'un quelconque bonheur sur son visage. Il se sentait piégé, et était quasiment certain d'être sur le point de manquer d'air. « Ça faisait longtemps. Tu es venu en rajouter une couche, ou tu veux juste me voir me morfondre pour ton propre plaisir ? » Ce n'était certainement pas la meilleure des approches, mais Adriel en avait eu assez. Il avait laissé au placard sa joie de vivre et son optimisme et avait laissé ressortir son côté impulsif et plus colérique. Il détestait ce sentiment d'impuissance et de mal-être qui l'avait envahi. Il avait eu le coeur brisé, lui qui ne comprenait pas toujours les formes d'affection les plus simples, et il ne parvenait toujours pas à s'en remettre ni même à saisir le sens propre de ce terme.

Son coeur battait à tout rompre dans sa poitrine, et pour un dixième de seconde, il fut persuadé que celui-ci allait exploser à tout moment. Partagé entre colère et douleur, il dévisagea son ancienne petite-amie, et dut se retenir pour ne pas hurler, les larmes menaçant de couler à chaque instant.

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La gifle monumentale. Adriel ne s'y attendait pas. Ou plutôt, il ne s'était pas attendu à ce qu'elle fasse aussi mal. C'était comme si son coeur se brisait de nouveau en milles et un morceaux, impossibles à recoller entre eux. Les larmes d'Amara ne firent rien pour calmer cette sensation de rupture et de culpabilité qui s'insinuait au fond de lui au fur et à mesure des paroles de son amie. Sa gorge était serré et sa poitrine lui faisait mal. On dit que les larmes sont le miroir de l'âme, alors pourquoi Adriel avait-il tant de mal à voir la vérité dans les mots de son ancienne petite amie ? Ou plutôt, pourquoi ne parvenait-il pas à se convaincre que tout était vrai ? Encore sous le choc, il posa la main sur sa joue, encore endolorie, et regarda son amie les yeux tout aussi confus.

« Comment tu peux me balancer ça Adriel ? Depuis quand je prends plaisir dans le malheur des autres, moi qui pensais que tu me connaissais, je me suis trompée sur ton compte… Tu sais quoi ? Je suis désolée que Ruth t’ai dit toutes ces horreurs ! Je suis désolée qu’elle ait tentée de coucher avec toi ! Je suis désolée d’avoir été faible et de ne pas avoir su faire face à un démon de son rang ! Je suis… »

Il aurait probablement du ajouter quelque chose, et la rassurer. Lui dire qu'il avait toujours confiance en elle, et qu'il ne la haïssait pas, qu'il ne pourrait jamais la haïr. Car c'était la pure vérité, Adriel ne détestait pas Amara, il n'en était pas capable. Il détestait simplement le fait d'être aussi faible et de ne pas faire la distinction entre elle et la succube ayant pris possession d'elle. Il ne voulait pas l'admettre, mais il avait peur. Et surtout, il était en colère contre Ruth d'avoir tout foutu en l'air. Mais plus que tout, il aurait du lui dire qu'il la savait forte. Il avait confiance en elle et la savait plus forte qu'elle ne s'en pensait réellement capable. Mais il ne dit rien, et ce fut sûrement là son erreur. Ne dit-on pas que le silence est le meilleur des mépris. Par son mépris, donc, il avait scellé là sa dernière chance de pardonner et de tout oublier.

« Tu n’es qu’un idiot Adriel ! Si tu ne sais même pas faire la part des choses entre un démon qui est né pour faire le mal autour de soi et une pauvre humaine qui t’a aimé alors je n’ai plus rien à faire avec toi ! Tu me détestes ? Tu me hais ? Je te fais peur Adriel ? Si c’est ça, alors je m’en vais ne t’en fais pas. Ne t’inquiètes pas, je n’importunerai plus jamais ta vie ! »

Pris de cours, et piégé dans ses propres pensées et émotions qui se chevauchaient et s'entremêlaient les unes aux autres, Adriel n'eut pas le réflexe de retenir son amie, et encore moins la force de dire quelque chose pour la contredire. La culpabilité le rongeait et dévorait ses entrailles de part en part. Il ne la détestait pas, il ne pourrait jamais. Il se répéta cette phrase en tête tel un mantra, jusqu'à ce les mots perdent de leur sens. Des larmes finirent par faire leur apparition, et glissèrent le long de ses joues, un arrière-goût amer de sa culpabilité pour lui rappeler qu'il avait eu tort sur toute la ligne. Mais quand la peur vous prenait aux tripes, elle aveuglait votre jugement jusqu'à vous rendre dingue.

Lorsque Adriel reprit conscience, ayant relégué toutes ses émotions au fond de son esprit, Amara avait déjà tourné les talons et s'éloignait, pour noyer son chagrin aussi loin de lui que possible. Il l'entendait toujours pleurer, et c'était un bruit qu'il ne supportait pas. Amara, qu'il avait toujours connue souriante et joyeuse, était en train de pleurer. Alors, sans réfléchir, il se précipita à sa suite, la retourna, et l'embrassa à pleine bouche, les larmes lui coulant toujours sur les joues. C'était un acte totalement irréfléchi et irraisonné, mais Adriel s'en moquait. Amara lui avait bien trop manqué pour qu'il se soucie de quoi que ce soit, et avec Ruth au silence, il comptait bien profiter de cet instant-là.

« Je suis désolé, Mara, vraiment. Tu as raison, je ne suis qu'un idiot, un abruti et je mérite probablement toutes les choses que tu m'as dites. Mais j'avais peur, et je réfléchis rarement - voire jamais - quand j'ai peur et quand je suis en colère. C'est à Ruth que je devrais m'en prendre et pas à toi, j'en suis conscient, tu n'as rien à voir là-dedans. Toutes ces choses qu'elle a dites, ce n'étaient pas tes paroles, ce n'était pas ta voix. J'ai été stupide de ne pas le voir plus tôt. »

Il se fichait pas mal des passants qui les regardaient d'un oeil suspect à cet instant précis, et il se moquait même royalement qu'Amara le rejette.Elle pouvait même le gifler à nouveau, si cela devait le remettre sur les rails. Il avait merdé, sur toute la ligne. Mais les tritons n'étaient pas connus pour leur bravoure ou leur modestie. Ils partaient au quart de tour et étaient bien trop fiers pour avouer leur tort. Mais quand on aime, on a tendance à changer, n'est-ce pas ?

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La poitrine d'Adriel menaçait plus que jamais d'exploser dans sa poitrine. Pas pas peur ou colère. Non, loin de là. Si le coeur du triton battait autant la chamade, c'était sans doute dû à l'amour et à l'excitation. Amara venait de lui rendre son baiser, sans ciller, et sans même le gifler ! Les larmes continuaient de lui couler le long des joues, des larmes de joies et d'autres émotions beaucoup trop nombreuses pour qu'Adriel même s'en rende compte. Il n'allait pas se le cacher, les lèvres de son amie lui avaient manqué, tout comme leur douceur. Adriel n'avait encore jamais aimé une personne comme il aimait Amara. Bien sûr, il aimait ses parents, mais ce n'était en rien comparable. Et bien qu'il s'habituait toujours aux marques d'affection et tout ce qui s'y rapportait, Adriel y parvenait petit à petit. Et en compagnie d'Amara, il était bien plus simple et rapide d'apprendre.

« Oui tu aurais dû t’en rendre compte… Je te pardonne évidemment Adriel mais je tiens aussi à m’excuser pour ce qu’elle t’a fait subir… Vraiment je suis désolée. » - « Ne t'excuses pas, je pense que, l'un comme l'autre, nous avions faux sur toute la ligne, moi le premier. Ca te dit qu'on oublie tout ça et qu'on reparte à zéro, comme si Ruth n'avait jamais été là ? »

Adriel lui rendit son sourire, comme si le pardon d'Amara signifiait bien plus encore que tout l'or du monde. Bien sûr, Ruth était bel et bien là, et le serait encore probablement pour un moment. Amara tout comme Adriel en étaient conscients. Mais rien que pour une journée, ils pouvaient prétendre que tout allait bien, et que rien ne pouvait jamais les séparer.

« Alors ? Que faisons-nous ? Pour ma part, tu m’as tellement manqué Didi et j’ai encore envie que tu m’embrasses là tout de suite… »

Adriel n'eut pas le temps de répondre qu'Amara enroula ses bras autour de son cou et vint déposer un baiser chaste sur ses lèvres. Le triton se soumis sans même protester, et lui rendit son baiser avec tout autant de force et d'excitation. Bientôt le baiser devint plus langoureux et fougueux, et Adriel sentit Amara se coller à lui, tout en passant ses mains délicates dans ses cheveux déjà décoiffés et encore humides de sa baignade quelques minutes plus tôt. Adriel la rapprocha encore un peu plus de lui et lui mordit les lèvres doucement. Finalement, après quelques longues minutes, Adriel dut reprendre son souffle, le sourire n'ayant néanmoins pas quitté ses lèvres.

« Hum, on pourrait aller chez moi, tu ne penses pas ? En plus j'ai refait la décoration il n'y a pas longtemps; en particulier la chambre. Je suis sûre que ça pourrait te plaire. » finit-il par répondre, tout en lui adressant un clin d'oeil.

Un brin charmeur Adriel ? Pas du tout, qu'est-ce qui vous fait croire ça ?

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