Cette ville était un paradis sur terre. Enfin un paradis pour moi et un enfer pour beaucoup d'insatisfaits chroniques. Ici il y avait tout ce dont j' avais besoin pour vivre heureuse. De l' eau, des hommes et tellement de drames pour combler ma curiosité malsaine. Pourquoi payer pour aller à Disneyworld quand on pouvait être piégée à vie gratuitement dans un melting pot surnaturel riche en conflits. En plus, dans cette ville, y' avait suffisament d'infidélité chronique pour rendre Les feux de l' amour aussi riche en suspense qu'un épisode de Derrick. Non sérieusement? Pourquoi se plaindre? J'adorais définitivement ce coin.

Je me retrouvais dans le lieu que je préférais. Nan pas le bar local et non pas dans le lit des hommes. Vous me prenez pour qui? Je suis peut être une sirène mais je réserve ma grâce et ma beauté à l' élite et pas à tous les pochtrons du coin. C'est que j'ai une réputation à tenir. Certes elle n'est déjà pas glorieuse, et je travaille extrêmement dur pour ça, mais j'y tiens. J' ai galéré pour être la jolie irresponsable qui veut pas mûrir, pitié gâchez pas tout le boulot que j'ai fait. Pour en revenir à ce que je vous disais avant que vous me fassiez dévier, j' étais là où je préférais être. Comment ça où? Je suis une sirène! Sous l'eau bien sûr.

Je voguais donc sous les flots pour finir par me réfugier dans les grottes. C' était mon coin favori car empli de cachettes et j'adorais me planquer. Pas par timidité mais juste pour laisser les autres perdre du temps à me chercher. Et puis faut savoir se faire désirer.

Sauf que j' avais pas prévu d' avoir de la visite. Dieu merci, cette tête là, je ne la connaissais que trop bien et heureusement, c' était l'un de ceux que j'aimais le plus. Après ma personne bien sûr. Faut pas exagérer non plus.

" Alors Adriel choupinou? Tu t'es perdu? Ou je te manquais peut être?"

Oui je lui donnais des surnoms. Je pouvais bien, j' étais son ainée. Bon ok de même pas 10 ans et j' étais pas la voix de la sagesse. Mais je pouvais bien profiter de cet avantage, non?

C' était mon partenaire de crimes préféré. Alors lui je faisais les 400 coups et il n' essayait jamais de me faire la morale? En même temps, quand je faisais des conneries il était toujours à mes côtés pour les faire. Cela signifiait donc je j' appréciais sa compagnie. Lui et moi on venait de famille différentes mais semblables. Issus d' un héritage strict mais avec des parents plus ou moins libéraux. Cela expliquait sans doute notre amour pour les blagues pourries, l' humour pas net et le fait que nous agissions comme des sales gosses. Enfin d' après les dires des autres. Parce que pour ma part, je nous trouvais parfaits. On était des incompris.

Et puis avec Adriel, on se lançait des défis pas possibles. Parce que j'aimais gagner et lui aussi. On pouvait se faire des coups tordus mais on adorait ça. Parce que soyons francs. Une victoire sans combat ça ne vaut pas mieux qu'une défaite. On adorait la compétition, on le savait. Et on était assez mauvais perdants tout les deux pour rendre ça tellement plus savoureux. Notre immaturité, les humains appelaient ça la crise de la quarantaine. Foutaises. Chez les sirènes, 40 ans, c' était jeune. On avait tout notre temps pour vieillir. Et je savais pas pour Adriel, mais pour ma part j 'étais tout sauf pressée de me comporter comme une adulte. Si tant est que cela arrive un jour.


" Ah oui. Choupinou. Moi, au moins, j'ai pas de rides, madame la vieille. Et non, je ne me suis pas perdu. Et tu ne me manquais pas du tout. Cela te ferait beaucoup trop plaisir. "

Oh il était vexé? Ou tout du moins il faisait si bien semblant. Ca me donnait envie de continuer. En plus, il osait m' appeler la vieille. Sale gosse de 40 piges.


" Tu sais ce que te dis la vieille? Respecte un peu tes ainées. Et puis moi, vu mon âge je suis parfaite. Je ne ressemble plus à un fan de Justin Bieber. Alors que toi mon bichon..."

Et pour achever ma phrase emplie de sagesse ultime et lui montrer à quel point j' étais adulte, je lui tirais la langue. Oui je sais, c' est la maturité suprême. Et le pire c' était que j' étais fière de moi. Bon d' accord, je suis toujours fière de moi. Mais y'a pas de mal à s'aimer. J'ai lu dans un livre de philosophie humain que pour être aimée fallait s'aimer soit même. Une bible de bon sens ce bouquin. Son titre? Euh je crois que s' était Elle ou Femme Actuelle. Enfin bref, une référence culturelle pour les humains.

Il connaissait pas Justin Bieber? Quand je vous disais que Didi était intelligent...il savait même ne pas connaître les cas sociaux musicaux. Mais l'intelligence était un trait de caractère fréquent chez les sirènes. Ca et la classe naturelle. Mais il n' était pas nécessaire de le rappeler, on le savait déjà.

" Bieber? C'est une star pour les midinettes humaines. Il est hideux mais visiblement les critères de séduction humains sont...particuliers. Si tu savais comme je suis fière mon bichon que tu ne le connaisse pas."

Enfin fierté...le niveau 1 de la fierté, parce qu'il fallait pas non plus exagérer. Il avait pâs non plus sauvé un gosse de la noyade. Et encore ça dépendait du gosse. Y'en avait certain une fois adulte, on se demandait si enfants..comment ça c' était mal de penser ça? Meuh non voyons, c' était une remarque objective et stratégique. Mais je me savais incomprise. Mon intelligence n' étais pas appréciée à sa juste valeur. Et Adriel non plus. Ces humains.... ils étaient mignons mais....ils étaient juste mignons.

" Parfaite ? J'en doute... t'aurais pas un peu grossi ces derniers temps ? J'ai cru avoir affaire à une baleine avant d'entendre ta voix. Tu devrais ralentir sur les sucreries humaines, ça te réussit pas ma vieille. Je m'en voudrais que tu coules à cause de ton poids. Ce serait dommage. "

Elle lui lança un regard noir. Grossi? Grossi? Il avait osé me dire ça?! Je m'imaginais mentalement en train de l' étouffer avec sa propre nageoire. J' étais parfaite! Mais à force de cotoyer les humaines, ses yeux étaient endommagés par la banalité.


" Je suis parfaite mon bichon. Arretes les humaines, ça commence à attaquer la cornée. Et je n'ai pas grossi, j'ai maigri au passage. Mais comme tu commençes, comme tous les humains, à avoir les yeux plus gros que le ventre niveau qualité, ça doit avoir un effet miroir grossissant niveau champs de vision. Mais ne t' inquiètes pas pour moi, je fais toujours autant d' effet sur les autres mâles toutes races confondues. Par contre, toi, tu as pris du bide. Ti te laisses aller pas vrai? Ah le syndrôme Bière/pantoufles t'a touché...c'est désolant."

Je secouais au passage ma chevelure. Geste qui chez moi était autant un automatisme qu'un signe que mon ego était au sommet. Et je lui rendais son sourire ironique à l'identique, le regard de défi en plus. Il le savait bien que m' attaquer sur mon physique me rendait revancharde et motivée pour prouver que j' étais un modèle d' élégance.