Derrière les vitres anti-solaire de son appartement, Gordon regardait le soleil décliner. Il était à peine 18h, mais c'était là le côté pratique de l'hiver. Depuis qu'il était vampire, Gordon n'aimait plus l'été. Ces jours qui s'allongent et ces nuits qui deviennent si rapides qu'on n'a plus l'impression de vivre, très peu pour lui. En tant qu'humain, l'hiver, il faisait juste nuit plus tôt, mais ça ne vous empêchait pas de vivre pour autant. En tant que vampire, dès que le soleil était là, il n'était plus question de sortir dehors, et l'été, autant dire que ça vous prenez une bonne partie du temps que vous vouliez utiliser. Heureusement que la lecture, l'écriture et la piano était là pour l'occuper lorsque le jour se levait trop tôt, il pouvait s'occuper chez lui sans mal également. L'été était le moment de l'année où il lisait le plus. Il était heureux qu'il soit arrivé à Moonlight Falls en plein hiver, cela lui permettait d'avoir de plus longues nuits pour essayer de comprendre cette ville et ses habitants. S'il devait y rester coincer, autant qu'il la connaisse vite pour bien s'y intégrer.

Une fois habillé et rassasié par quelques fruits de sang qu'il avait acheté la veille ... Des fruits bien étranges mais qui étaient pratiques, on devait le reconnaître. Gordon sortit. L'on distinguait à l'horizon une lueur plus vive, celle du soleil, mais ses rayons n'atteignaient déjà plus le lieu et ils étaient partis éclairé l'autre moitié du globe. Tout en marchant, Gordon se perdit dans ses pensées. L'idée de rester bloquer dans cette ville ne l'enchantait guère. Il se doutait qu'il en était de même pour tout le monde ... Mais il avait connu le monde extérieur pendant si longtemps et même lorsqu'il y vivait, il était rare qu'il ne s'attarde trop longtemps en un seul lieu. Autant dire que sa nouvelle situation l'incommodait parfaitement.

Le vampire se trouvait désormais dans le quartier de la rue des nœuds. C'était à cette heure-ci qu'on avait la chance de croiser des personnes de toutes races car la nuit permettait aux vampires de se joindre aux autres et la soirée n'était pas trop avancé pour que les autres ne s'en soient retournés chez eux. En passant devant le marché de Sam, il se dit qu'y faire un tour pourrait être pas mal. Il ne mangeait pas souvent de nourriture dite normale. Mais parfois, l'envie de sentir le goût des ingrédients qui autrefois le rassasiaient mais qui aujourd'hui ne lui apportaient plus qu'un plaisir gustatif, le prenait. Et aujourd'hui était l'un de ces jours. Il commanda deux belles parts de tarte aux pêches et aux framboises ainsi qu'un café liégeois. Vu qu'il avait déjà mangé avant de venir, il aurait presque l'impression de manger pour de vrai, il ne sortirait pas de ce casse-croûte en ayant encore faim. Il chercha des yeux un endroit où s'asseoir, mais beaucoup de personnes venaient ici en fin de journée pour décompresser. Il finit par aviser une jeune femme, assise à une table où il restait de la place. Il alla donc dans sa direction. « Permettez ? » Il resta là, sans mot dire. Son éducation et ses origines faisaient que tant qu'il n'aurait pas l'accord de la demoiselle pour s'installer, il n'en ferait rien.

Nombreux étaient ceux qui se donneraient peut-être l'impression d'un badaud, à attendre debout, au milieu d'une pièce bondée, face à quelqu'un qu'il ne connaissait pas et surtout à attendre sa permission pour faire quoique ce soit. Mais Gordon n'avait pas cette impression. Il avait été élevé à une époque où c'était la chose normale et cultivait ces politesses avec le plus grand soin, pestant contre cette nouvelle ère qui virait bien souvent au vulgaire et à l'individualisme pur et simple, sans jamais prendre en considération les envies des autres ni même leur consentement. Sur certains points, les contemporains de cette époque le traiteraient de vieux cons, mais il n'était pas réactionnaire pour autant, il désespérait seulement de voir le respect d'autrui réduit à son minimum dans cette nouvelle société, de voir que, malgré la lutte à laquelle il avait lui aussi participé pour que les femmes gagnent en égalité, le combat était loin d'être terminé et même pire, elles étaient peut-être même moins bien traité qu'à son époque.

Avant qu'elle ne lui réponde, Gordon remarqua un petit carnet dans lequel la jeune femme semblait dessiner des patrons et autres modèles de tenues. Il ne pouvait déterminé s'il s'agissait d'un simple passe-temps ou de quelque chose de plus important. Lorsqu'il voulu lire ses pensées, pour savoir ce qu'elle pensait de lui au premier abord, comme il le faisait toujours, il n'arriva pas à les déchiffrer. Il comprit alors qu'elle ne devait pas être une simple humaine. À moins qu'elle n'ait en sa possession une quelconque relique lui permettant de les dissimuler, mais les humains ayant de tels objets en leur possession se faisaient rares et les sorciers et sorcières étaient ceux qui en avaient le plus aisément.

Elle l'autorisa finalement à s'installer à sa table, avec politesse ce qui plu au vampire. Il s'exécuta donc, posant son assiette avec ses deux parts de tartes et gardant son café liégeois à la main. une fois assis confortablement, il en bu une gorgée. C'était plutôt bon, il fallait le reconnaître. La glace avait eut le temps de fondre comme Gordon aimait. Il cru bon, tout de même, de se présenter à celle avec qui il partageait désormais une table. « Gordon Rochester ... Je suis relativement nouveau ici, mais je ne crois pas vous avoir déjà croisé. » Il lui fit un sourire avant d'entamer sa première part de tarte. Le goût était assez agréable. L'acidité de la framboise était contrebalancé par la douceur de la pêche, un mariage qu'il avait toujours apprécié et que trop peu de pâtissiers faisaient à son goût. Avisant encore le carnet de la demoiselle, il reprit la conversation. « Vous créez des vêtements ... ? » Il fallait bien commencer par quelque chose dans une conversation et, lui qui avait l'habitude de commencer de manière assez abrupte et sans trop de chichis et autres convenances, avait décidé de rester assez mesuré pour une fois. Il ne s'agissait pas de se mettre tout le monde à dos dès son arrivée.