Cette ville est un vrai dédale. Je crois que sans la carte que le Shérif m'a donné, je me serais trompée de chemin une bonne dizaine de fois. Et encore, sans compter les rues que j'aurais soigneusement évité parce qu'elles étaient - et doivent encore l'être - remplies de gens bizarres, qui ne semblait attendre qu'un pas de plus pour mieux me sauter à la gorge.
C'est donc avec soulagement que je m'étais retrouvée devant le fameux manoir de Stanislas, qui en imposait vraiment par sa taille. Cependant sa charpente ne semblait pas être en un état formidable et cela me rappelait un petit peu trop la mairie dans laquelle j'avais failli perdre la vie.
J'avais un mauvais pressentiment.

Devant une absence totale de réponse alors que j'avais toqué à la porte, je poussais celle-ci et commença à m'avancer dans le hall. Soudain, je me stoppais net.
Une mélodie curieuse, comme je n'en avais jamais entendu auparavant résonnait dans la maison. Après quelques secondes, je me rendis compte que c'était le son de plusieurs dizaines d'horloges, tiquant toutes dans une étrange harmonie.
Je restais quelques minutes de plus, les yeux fermés pour mieux profiter du son, puis décida d'essayer de trouver mon potentiel futur hôte.

"Bonjour, est-ce qu'il y a quelqu'un?"

Un bruit cristallin fît écho dans le lointain.
Je me dirigeais en direction de sa source, tout en m'apercevant que chaque pièce était plongée dans la pénombre, à l'exception d'une qui était éclairée par une faible lueur qui semblait être... des bougies.
Arrivant à l'intérieur, je m'aperçus que le bruit provenait en fait d'une carafe de vin tintant contre un verre en cristal. Un homme était assis dans un fauteuil et venait juste d'interrompre sa lecture pour se resservir un verre de vin. Il semblerait que ce soit mon hôte et qu'il soit plutôt particulier.

"Bonjour, je me présente, Candace Lawson. Je suis nouvelle dans cette ville et j'ai besoin d'un toit; j'ai entendu dire que vous louez des chambres, est-ce exact?"

Dès que Stanislas s'est retourné, j'ai pu sentir la désapprobation qui émanait de mon hôte. Oups, super première impression Candace, c'est réussi. Malgré son petit soupir, il a semblé complètement ignorer mes mauvaises manières. Étrange. Ça peut vouloir dire deux choses : soit il a vraiment besoin de mon argent, soit... j'en ai aucune idée, mais c'est bizarre. Il m'invita alors galamment à le suivre. Le pas vif, il mena la marche tandis que je le suivais, toujours aussi distraite par le tic-tac environnant.
Une fois arrivée dans une des chambres vides, je fis un tour rapide pour l'examiner. Tout était en bon état, bien que poussiéreux. Mais bon, la seule chose qui m'importait était que le lit avait l'air bien moelleux et que ça faisait des années que je n'avais pas pu m'allonger sur un vrai lit.

Tout semblait dans l'ordre et il était temps de le faire savoir à mon hôte.

"Je pense que je vais garder cette chambre si vous le voulez bien. Par contre, serait-il possible de ne pas payer le loyer ce mois-ci et de le payer en double le mois prochain? Il se trouve que je suis nouvelle ici et même si j'ai un travail, je ne serais pas payée avant la fin du mois."

Le tout avec un sourire sincèrement contrit.
Il semblait être du genre distrait, puisqu'il me demanda de répéter ce que je venais de dire. Je pensais avec amusement que l'on pourrait peut-être devenir amis. Cependant, j'espérais qu'il n'allait pas me mettre à la porte, puisque les rues ne semblaient pas être si sûres que ça. Après une discussion un peu plus poussée, il accepta ma requête et me laissa seule. Après m'être assurée qu'il eût bien atteint le rez-de-chaussée - vieux réflexe - je décidai d'aller prendre une douche et pris mes aises en me baladant nue dans les couloirs. Une fois arrivée devant le miroir, je me fis quelques remarque dont : j'avais perdu du muscle, gagné un peu de poitrine et ohmondieu il fallait que je m'épile...

Après une bonne douche et quelques ajustements Ô combien nécessaires, je me dirigeai en direction de mon lit et me jetai dessus pour profiter d'un sommeil bien mérité.

Mais ça n'a pas duré longtemps.

La main plaquée sur ma bouche me réveilla en sursaut. Mais qu'est ce que...?
Pendant quelques instants, je considérai l'éventualité d'un viol. Cependant, le regard de Stanislas n'avait pas ce désir malsain. Non, on aurait plutôt dit de la faim.
J'avais essayé de me débattre, pour jauger la force de mon adversaire et le résultat était inquiétant. Non seulement il avait une force inhumaine, mais en plus il ne semble même pas réellement essayer de me maitriser. Les choses s'annonçaient corsées.
Puis, il me balança sa petite phrase malsaine comme si de rien n'était. Tu crois vraiment que ça va me calm... Et là, il me mordit. La douleur fût intense et ma réaction drastique.
D'une torsion du poignet, je me dégageai, pris le couteau avec lequel je dormais toujours et lui trancha la gorge d'une geste puissant.

"Prend ça, connard!"

Alors que je pensai que mon agresseur allait s'effondrer, il se contenta de continuer sa tâche, le sang coulant à flots par sa gorge tintant mes propres draps d'un vermeil de mauvaise augure.
Puis, le flot se rétracta progressivement tandis que Stanislas continua à boire mon sang. Le boire.
Mais dans quelle maison de taré étais-je tombée?
En tout cas, il ne semblait jamais en finir et mes force me quittaient lentement mais sûrement. Allais-je mourir dès ma première nuit à Moonlight-Falls?

Au bout d'un temps qui me sembla infini, les crocs de Stanislas quittèrent ma chair.
J'étais incapable de bouger et la pièce semblait tourner sans fin sur elle-même.
Enfin, il me restait assez d'énergie pour une dernière bravade.

"Va te faire foutre stan."

Et sur ce, je m'évanouis, un filet de sang coulant lentement le long de ma jugulaire.

Le soleil se leva lentement, ses rayons lumineux réchauffant légèrement mon corps froid. Je venais juste d'émerger et je ne me sentais vraiment pas bien. La pièce tournait, mes souvenirs étaient flous et mes sens semblaient tout simplement refuser d'être cohérents.
Je m'efforçai alors de reprendre un à un mes souvenirs pour les imbriquer. La salle de bain, le coucher et... Stanislas. L'effroi me saisit alors.
Allait-il me sauter à la gorge dès que j'aurais ouvert ma porte? Comptait-il me faire le même coup toutes les nuits? Mais surtout, bordel qu'est que c'était que ce type?
Puis mes habitudes militaires reprirent le dessus et l'effroi laissa alors place à la colère et à une envie de vengeance qui me boosta en adrénaline.

"Je vais te crever connard."

Immédiatement, je sautai sur mes pieds pour me diriger vers la porte. Seulement, mes chimères de vengeance ne faisait pas le poids face à la réalité. Il m'avait pompé trop de sang, beaucoup trop.
J'avais du mal à garder l'équilibre et mon cou m'élançait fortement.
Bien, il n'y avait rien que je pouvais faire pour l'instant. Lui demander des explications? Je n'en voyais pas réellement l'intérêt, puisque mon hôte était manifestement complètement siphonné. Mais par pur esprit de défi, je poussai la porte et me dirigeai en direction du salon où la bête devait se trouver.
Plongé dans la pénombre la plus totale - ainsi il aimait le noir hein? - il était debout au milieu du salon.
Il m'attendait avec un grand sourire au lèvres, comme celui du chasseur qui sait pertinemment que sa proie ne pourra pas s'échapper, qu'importe sa volonté.

"Je suppose que tu as une bonne raison, hein?"

Balancé avec tout le mépris que je contenais en moi, la phrase résonna pendant quelques minutes dans la pièce avant que le silence soit brisé par la réponse de Stanislas. Sans vraiment l'écouter, je me dirigeais en direction des rideaux dans le seul et l'unique but de me venger.

"Et que la lumière soit."

Sans prendre le temps de regarder sa réaction, je sortis par la porte comme une furie, la laissant ouverte et balançant un : "A ce soir." prononcé d'une voix dure.
Maintenant, direction le shérif. Lui et moi on a deux mots à se dire.